Pouah! C'est le coup fouet qui me fallait, j'ai la tête qui bouge comme un coq en finissant à la va vite le rangement de ma piaule, le temps d’enfiler mon jogg, une redbull et c'est tout mon sang qui se met à bouillir dans ces 20mètres carrés de poussière. Pas le time pour le reste, j'enfourche mon vélo jaune pisse et je fonce direct à la salle. La tête dans le guidon, chaque coup de pédale me rapproche de l'implosion. J'arrive au taquet, me débarrasse du vélo comme du bonjour que je jette par dessus mon épaule histoire de pas trop laisser transparaître mon manque béant de sociabilité. Une fois en place je me vide la tête en une seconde et me lance avec rage dans des séries sans fin. La plupart des gens ne me comprennent pas, mais moi non plus je piges rien à leur vie de poisson rouge engourdie. En surchauffe, j'ai la respiration haletante, la transpiration qui coule sur mes sourcils froncés, les dents serrées à m'en péter la mâchoire et les bras plus chargés qu'un maçon, une heure passe et je n'y vois déjà plus très clair. Ma fougue qui était jusqu'ici une brèche dans laquelle je m'engouffrais à corps perdu se dissout dans l'effort et se transforme en une sorte d'énergie diffuse qui m'incombe d'épuiser jusqu'à la dernière goutte. Quand je ne trouve plus la force de soulever la barre c'est mes nerfs qui prennent le relais, cette sensation d'aller au delà de soi, de perdre conscience de toute chose sinon de l'effort, c'est comme se sentir ivre, chaque cm de ton vivant est près à craquer mais toi t'es là et tu lâche rien parce que c'est ça être en vie. J'apprécie chaque seconde des 45 que je m'accorde entre chaque exercice. 2 heures passent et j'arrive au bout de moi même, ça bas fort sous mon thorax, en nage et un peu euphorique, je trouve un banc pour me remettre de ce vide qui s'est fait en moi.
La serviette sur la tête, je bois à petite gorgée et me redresse pour reprendre mon souffle calmement, autour de moi des gens vont et viennent au milieux d'appareils aux couleurs vives. Je me pose un instant, simple observateur de tout ces élans azimuts et troubles, peu à peu ce flou gaussien laisse place à la netteté des silhouettes qui m'entourent.
A présent j'y vois clair, à droite il y a ces 3 gays qui forcent en gémissant sous leurs tee-short rose moulant, d'autres plus au fond portent des maillots de foot et tournent à 5 sur un appareil pour les pectoraux. De là ou je suis je les entends se plaindre de leur fatigue et critiquer dieu sait qui entre chaque série, un autre, bien plus volumineux reste au centre, il soulève des haltères pas plus lourdes qu'un pack d'eau en séries de 30 ça lui prend un temps fou mais il pose devant le miroir pendant chaque répétition.
Mon euphorie me quitte plus vite que ce qui me reste d'énergie, je veux partir d'ici.
Dans les vestiaires, un mec au maillot de l'OM m'aborde d'un "salut", je réponds aussi sobrement que la politesse le permet. Il enchaîne directement sur un "Et toi tu pousses bien hein?" je ne sais pas quoi répondre j'ai envie de l'insulter, j'ai envie de lui coincer la tête dans son casier et de fracasser son crane à grand coup de porte. Mais pour continuer dans les formes niveau sobriété je sors un simple"Merci toi, aussi". Ces mots me dégoûtent j'ai l'impression bizarre qu'ils ne sont pas sorties de ma bouche. Je commence à me retourner pour repartir, mais il me répond déjà comme si on commençait une conversation palpitante entre ami d'enfance."Ouais mais tu viens tout les jours aussi. Allez, je suis sur qu'il y a ta tante sur le parking" Il ricane comme savent le faire les footeux et se retourne vers le reste de la faune présente à la recherche d'un public plus réceptif à ses vannes. Sur l'échelle du sentiment je viens de trouver le zéro absolu, ma tête est vide, ma politesse tente un sourire de béatitude mais mes lèvres ne bougent pas d'un cil, je dois faire peur car son sourire s'arrête net.
J'ai l'impression qu'il bloque lui aussi, il fait un pas en arrière, le silence en quelques secondes à peine se met à peser des tonnes. Son pote tente un sauvetage de conversation par un"Et ouais c'est ça si tu veux progresser faut pousser, il y a pas de secret gros" sur ces sages paroles de poète urbain, je m'en vais pour de bon cette fois ci, il ne me retient pas.
J'ai l'impression qu'il bloque lui aussi, il fait un pas en arrière, le silence en quelques secondes à peine se met à peser des tonnes. Son pote tente un sauvetage de conversation par un"Et ouais c'est ça si tu veux progresser faut pousser, il y a pas de secret gros" sur ces sages paroles de poète urbain, je m'en vais pour de bon cette fois ci, il ne me retient pas.